Internet en Bref #43 - Enfants, Musk, Auto-censure & Strava
âłâ DERNIERES MINUTES
- L'influenceuse Poupette Kenza a Ă©tĂ© libĂ©rĂ©e de la maison d'arrĂȘt de Rouen oĂč elle Ă©tait incarcĂ©rĂ©e depuis le mois de juillet. Enceinte de 8 mois, l'influenceuse mise en examen pour tentative d'exorsion en bande organisĂ©e et association de malfaiteurs est sous contrĂŽle judiciaire et a interdiction de quitter le territoire.
đ â INFLUENCE & CREATION DE CONTENU
- Avec DĂ©rush, Elise Lucet dĂ©barque sur YouTube pour briser les frontiĂšres intergĂ©nĂ©rationnelles. AccompagnĂ©e par le trĂšs cĂ©lĂšbre Squeezie pour sa premiĂšre vidĂ©o (hors rediffusion de ses enquĂȘtes tĂ©lĂ©visĂ©es) en partenariat avec France TĂ©lĂ©visions et Brut, la journaliste et son Ă©quipe ont dĂ©cidĂ© de proposer un format inspirĂ© des codes de la crĂ©ation de contenus sur Internet. InstallĂ©s dans un dĂ©cor rappelant lâappartement dâun sexagĂ©naire, et mĂȘlant feat & fun avec des rĂ©actions confortablement installĂ©s sur un canapĂ©, la journaliste a clairement cherchĂ© Ă crĂ©er une passerelle intergĂ©nĂ©rationnelle en jouant sur son statut de boomeuse tout en misant sur le dynamisme, un peu surjouĂ©, de son jeune invitĂ©. Elle a ainsi invitĂ© Squeezie Ă visionner dâanciens reportages dâEnvoyĂ© SpĂ©cial sur des thĂšmes variĂ©s qui l'intĂ©ressent, comme les jeux vidĂ©o ou encore lâarrivĂ©e de la premiĂšre webcam. Cet Ă©change dâune durĂ©e de plus d'une heure a Ă©galement permis aux deux personnalitĂ©s de partager leur vision du mĂ©tier de crĂ©ateur de contenus sur Internet. Squeezie a aussi pu sâexprimer sur la place des femmes en ligne et sur son appel Ă faire barrage contre lâextrĂȘme droite dans un post publiĂ© lors des lĂ©gislatives anticipĂ©es.
- Les droits des enfants influenceur.euse.s particuliĂšrement surveillĂ© par la Loi Studer mais les cotnrĂŽles restent rares. Depuis fĂ©vrier 2024, la loi Studer (entrĂ©e en vigueur en 2020) a Ă©tĂ© renforcĂ©e par des mesures visant Ă protĂ©ger le droit Ă lâimage des enfants, qui sont de plus en plus exposĂ©s par leurs parents sur les rĂ©seaux sociaux, notamment lorsque cette exposition est monĂ©tisĂ©e. Ce nouvel accompagnement vient complĂ©ter une loi de 2020 sur lâexploitation commerciale des mineurs ainsi que la fameuse loi « Influenceurs » de 2023, premiĂšre rĂ©glementation Ă encadrer vĂ©ritablement le mĂ©tier dâinfluenceur·euse en ligne. Ces encadrements successifs sont le fruit de dĂ©bats autour des dĂ©rives liĂ©es Ă lâexploitation de lâimage des enfants sur les rĂ©seaux sociaux. Aujourdâhui, le sharenting â le fait de partager des contenus de ses enfants sur Internet â est pratiquĂ© par presque tout le monde, que cela soit rĂ©munĂ©rateur ou non. Diffuser des images de ses enfants en ligne n'est pas sans risques, car une fois publiĂ©es, les parents en perdent le contrĂŽle. Un nombre consĂ©quent de ces images finissent sur des sites pĂ©dopornographiques ou, plus gĂ©nĂ©ralement, peuvent porter atteinte Ă lâintĂ©gritĂ© des enfants durant leur adolescence ou Ă lâĂąge adulte. Se pose Ă©galement la question du travail des enfants et de leur rĂ©munĂ©ration. Bien que ce phĂ©nomĂšne ait pris de lâampleur pendant le Covid, en France, 1,1 % des parents se disent influenceur·euse·s, et 70 % dâentre eux dĂ©clarent gagner jusquâĂ 5 000 ⏠par mois. Le business des parents influenceurs est trĂšs lucratif, tant pour eux que pour les marques, qui transforment souvent les enfants en panneaux publicitaires sans prendre en compte leurs besoins. Ce sujet a suscitĂ© de nombreux dĂ©bats, notamment autour de certaines chaĂźnes YouTube trĂšs populaires en France, comme celles de Swann et NĂ©o ou de Studio Bubble Tea.
Lâobjectif de la loi Studer et de ses nouvelles mesures de 2023 et 2024 est de protĂ©ger toujours plus les enfants en responsabilisant les parents. La loi impose dĂ©sormais des rĂšgles strictes, comme le droit Ă lâoubli numĂ©rique pour les mineurs (instaurĂ© en 2024), et fournit des outils de signalement pour limiter la surexposition, notamment avec des restrictions dâhoraires. Bien quâil semble que de plus en plus de parents prennent conscience des dĂ©rives de ces activitĂ©s, souvent attractives financiĂšrement, les contrĂŽles restent rares pour vĂ©rifier que les enfants disposent de contrats, que les revenus leur reviennent vĂ©ritablement, et, plus largement, quâils ne sont pas victimes dâexploitation par leurs parents.
Pour aller plus loin : si le sujet vous intĂ©resse, Disney+ diffuse depuis le 23 octobre une sĂ©rie librement inspirĂ© de l'ouvrage Les enfants sont rois de Delphine de Vigan sur l'histoire d'une fan de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© de la premiĂšre heure avec Loft Story et qui devient une mĂšre influenceuse oĂč ses enfants sont au coeur de sa crĂ©ation de contenu.
- L'influence d'Elon Musk au service de la campagne des RĂ©publicains. Contrairement Ă de nombreux·ses milliardaires qui agissent en coulisses, Musk nâa jamais hĂ©sitĂ© Ă afficher ouvertement son soutien politique Ă Donald Trump. ParticuliĂšrement engagĂ© en Pennsylvanie, l'un des swing states les plus dĂ©cisifs de l'Ă©lection, Musk a offert plusieurs millions de dollars pour soutenir la Constitution, notamment la libertĂ© d'expression et le droit au port dâarmes. Il a mĂȘme organisĂ© une sorte de loterie offrant une grosse somme d'argent aux Ă©lecteur·ice·s de Trump, une pratique qui flirte avec le rachat de voix et inquiĂšte les juristes amĂ©ricain·e·s.
Plusieurs observateur·ice·s estiment que cet engagement de Musk est entiĂšrement motivĂ© par son intĂ©rĂȘt personnel, avec l'objectif de rĂ©duire la rĂ©gulation qu'il juge nuisible Ă ses activitĂ©s technologiques. Il n'hĂ©site donc pas Ă faire des sorties choc, Ă relayer des thĂ©ories complotistes sur la fraude Ă©lectorale ou Ă discrĂ©diter la gestion gouvernementale de Biden pour arriver Ă ses fins. Et pour cause, si Trump est rĂ©Ă©lu, Musk pourrait avoir un rĂŽle influent dans la rĂ©duction des dĂ©penses gouvernementales, non sans gĂ©nĂ©rer un potentiel conflit dâintĂ©rĂȘt. En effet, Musk dispose de plusieurs contrats fĂ©dĂ©raux qui pourraient reprĂ©senter un risque aussi bien Ă©thique que sĂ©curitaire si Musk obtenait un poste influent grĂące Ă l'Ă©lection de Trump
Pour aller plus loin : La BBC a suivi un jeune adepte de Musk en Pennsylvanie pour comprendre comment la stratégie d'Elon Musk dans la campagne américaine a été perçue par certain·e·s citoyen·ne·s. (article accessible gratuitement et traduit en français)
đ»â RESEAUX SOCIAUX
- L'autocensure des mĂ©dias sur les rĂ©seaux sociaux, une menace inquiĂ©tante pour la libertĂ© de la presse. En quelques jours, deux vidĂ©os â l'une de Brut, traitant de violences sexuelles, et l'autre de Streetpress, portant sur des violences policiĂšres â ont Ă©tĂ© restreintes sur les rĂ©seaux sociaux. La premiĂšre, dans laquelle AngĂ©lique Cauchy, victime de multiples viols durant son enfance, tĂ©moigne de son histoire, a Ă©tĂ© floutĂ©e par Instagram malgrĂ© un large succĂšs. La seconde, un documentaire sur les manifestations ayant suivi la mort de Nahel, a Ă©tĂ© interdite aux moins de 18 ans par YouTube, limitant considĂ©rablement sa diffusion. Ces censures de contenus journalistiques sont devenues si courantes sur les rĂ©seaux sociaux que les mĂ©dias en viennent Ă s'auto-censurer pour Ă©viter au maximum la restriction de leurs contenus et de l'invisibilisation de leurs comptes. Ainsi, pour de nombreux mĂ©dias, certains sujets sont dĂ©sormais sous-reprĂ©sentĂ©s par crainte de voir l'intĂ©gralitĂ© de leurs publications rendues invisibles par les algorithmes. Les mĂ©dias les plus audacieux contournent parfois ces restrictions en modifiant des mots considĂ©rĂ©s comme violents â par exemple en ajoutant des astĂ©risques ou en remplaçant les « o » par des zĂ©ros (« vi0l », « t*er », « pĂ©d0ph*ile », etc.). Certains utilisent le motion design pour illustrer des sujets jugĂ©s trop sensibles. MalgrĂ© ces diverses stratĂ©gies, les contenus des mĂ©dias sont frĂ©quemment floutĂ©s, et leur visibilitĂ© rĂ©duite par les plateformes. Le traitement de sujets associĂ©s aux violences sexistes et sexuelles, aux violences policiĂšres, ou, plus rĂ©cemment, Ă la guerre Ă Gaza â pourtant au cĆur du dĂ©bat public â devient ainsi presque impossible.
- L'application Strava toujours en proie Ă des failles de sĂ©curitĂ©. Une enquĂȘte du Monde a rĂ©cemment mis en lumiĂšre des failles de sĂ©curitĂ© concernant des militaires et des agents de sĂ©curitĂ© de haut niveau, chargĂ©s notamment de la protection d'Emmanuel Macron ou de Vladimir Poutine. La raison ? L'utilisation de l'application Strava, qui permet aux sportifs de partager leurs activitĂ©s, horaires, et trajets via des "cartes d'activitĂ©s". Ces informations peuvent se rĂ©vĂ©ler particuliĂšrement sensibles lorsqu'elles sont partagĂ©es publiquement par des individus dont les activitĂ©s et dĂ©placements sont censĂ©s rester confidentiels. D'autres investigations ont Ă©galement rĂ©vĂ©lĂ© qu'il est possible d'identifier individuellement des agents de renseignement français grĂące Ă cette mĂȘme application, permettant l'accĂšs Ă leurs informations personnelles et habitudes. MalgrĂ© les tentatives de sensibilisation, la crĂ©ation d'un guide de bonne utilisation des rĂ©seaux sociaux et des avertissements rĂ©currents, ces violations de la discrĂ©tion persistent. De son cĂŽtĂ©, l'application Strava continue de dĂ©plorer ces failles mais renvoie la responsabilitĂ© aux utilisateurs eux-mĂȘmes.
Pour aller plus loin : En décembre 2020, Mediapart révélait déjà comment l'utilisation de l'application Strava compromettait la sécurité de l'armée française. En suivant les trajets partagés publiquement par les militaires lors de leurs sorties sportives, il a été possible d'identifier la localisation de bases militaires en Afrique, mais également de suivre les militaires à leur retour en France, jusqu'à leur propre domicile.
đ€â EN MANQUE D'INSPI ?
J'ai ENQUĂTĂ sur le CORTISOL, par Sabine
âĂ NE PAS MANQUER
Stream for Love (ex-Sidastream)
Une vingtaine de streamer·euse·s se réunissent ce week-end pour récolter des dons au profit de l'association Coalition Plus. Cette association, composée de plus de 100 réseaux communautaires à travers la France, lutte pour un meilleur accÚs à la prévention et aux soins concernant le VIH/sida et les hépatites virales. Avec un engagement politique, elle se positionne également pour mettre fin à la marginalisation et à la stigmatisation, et pour faire reconnaßtre les droits des personnes infectées.
Durant tout le week-end, les participant·e·s se sont engagé·e·s à sensibiliser les publics à la lutte contre ces maladies.
Ă voir aussi :
- Interglitches du 1er au 3 novembre au profit de l'Institut du cerveau.
Ă venir en novembre :
- Pas qu'un Gamer, du 27 novembre au 1er décembre au profit de l'association Laurette Fugain qui oeuvre contre les cancers du sein et de la moelle osseuse.
- TéléthonGaming, les 29 et 30 novembre au profit de AFMTéléthon pour défendre les droits des malades, faire progresser la citoyenneté des personnes en situation de handicap et faire reconnaßtre les maladies rares.
đLA RECO DE LA SEMAINE
Selfie'storique
A cause du Covid, l'activitĂ© de la comĂ©dienne Louise Ă©tait au point mort. Sa chaĂźne Selfie'storique est nĂ©e de son envie de continuer Ă jouer malgrĂ© le contexte tout en rĂ©investissant son intĂ©rĂȘt pour l'histoire ! Avec sa chaĂźne de vulgarisation, Louise cherche a instruire son public sans qu'il ne s'en rende compte en faisant revivre les personnages historiques qu'elle incarne en reprennant des tendances populaires sur YouYube ! En mĂȘlant humour et histoire, Louise, dĂ©poussiĂšre des sujets du passĂ© en y apportant une touche ludique et dĂ©calĂ©e mais toujours bien sourcĂ©e !
La vidĂ©aste est Ă©galement prĂ©sente sur Twitch, TikTok et sur Instagram oĂč elle traite Ă©galement de sujets historique tout en s'inspirant des trendances et des codes d'Internet.
- 4RTOISE -