Internet en Bref #38 : Journalistes, paranormal & CAP48
🔎 LE ZOOM DE LA SEMAINE
Les journalistes nouvelle mine d'or pour les créateur·ice·s de contenus
La professionnalisation des YouTubeurs au fil des années leur a d'abord permis d'améliorer la qualité de production de leurs vidéos. Aujourd'hui, c'est l'amélioration de la qualité des sujets proposés qui est visée. De Squeezie à Simon Puech, en passant par SEB ou Dr Nozman, qu'il s'agisse de contenu de divertissement ou de sujets plus sérieux, la multiplication des formats de storytelling, sous forme de mini-documentaires, pousse désormais les vidéastes à se tourner vers des professionnels pour concevoir et écrire leurs sujets. Pour répondre à cette demande, les journalistes sont devenus une véritable mine d'or pour ces YouTubeurs. Qu'ils soient spécialisés dans des sujets politiques et sociaux, des questions scientifiques, ou même dans l'industrie musicale ou certaines périodes de l'Histoire, ils apportent leur savoir-faire et leur rigueur, contribuant ainsi à donner une véritable crédibilité aux productions des YouTubeurs. Certains ex-journalistes, comme le désormais YouTubeur Gaspard G, ont même choisi à leur tour d'embaucher des journalistes pour les aider à perfectionner l'écriture de leurs contenus.
Dans un sens comme dans l'autre, ces collaborations profitent à toutes les parties. Elles permettent aux vidéastes de traiter des sujets complexes et d'être pris au sérieux, tout en évitant les erreurs ou les pièges de la désinformation, comme cela fut le cas pour Squeezie avec le documentaire sur les pyramides, démenti par la suite pour avoir relayé des théories fausses et complotistes.
Du côté des journalistes, ce renouvellement des pratiques coïncide avec la place médiatique grandissante de la création de contenu sur Internet. Alors que plus de la moitié des jeunes journalistes se trouvent en situation de précarité et peinent à trouver une activité stable, collaborer avec des YouTubeurs permet non seulement d'obtenir une rémunération souvent plus intéressante que dans les médias traditionnels, mais aussi de produire un travail où la rigueur est tout aussi scrutée, voire davantage, que dans certains médias classiques. L'influence des YouTubeurs est même devenue, pour certains, plus grande que celle des médias traditionnels, nécessitant ainsi une qualité d'écriture et une rigueur accrues.
Dans un secteur en crise depuis plusieurs années, où la rémunération dans les médias est de plus en plus difficile avec le développement de l'accès gratuit à l'information, la reconversion vers des plateformes comme YouTube apparaît plus nécessaire que jamais. Ce mélange des genres suscite toutefois des craintes et des interrogations, car les YouTubeurs, contrairement aux rédactions, ne sont pas encadrés par une structure et ne sont, en théorie, pas soumis à la déontologie journalistique. Ils conservent toujours le dernier mot sur la diffusion des sujets. De plus, les journalistes travaillant pour des YouTubeurs ne peuvent pas être rémunérés à la pige. Ils sont soit rémunérés via leur statut d'auto-entrepreneur (s'ils en ont un), soit par le biais de notes d’auteur·ice·s, ce qui les empêche de prétendre à la carte de presse pour cette activité.
🤔ÇA FAIT REFLECHIR...
Pourquoi les contenus paranormaux fascinent-ils Internet ?
L'ex-youtubeuse beauté EnjoyPhoenix, désormais reconvertie dans le récit d'histoires paranormales, a lancé le 25 septembre sa nouvelle émission Le Bureau des lettres oubliées sur Twitch. Une émission basée sur la narration d'anecdotes paranormales et horrifiques avec ses abonné·e·s, en compagnie d'un·e invité·e.
Cette nouvelle émission, qui vient s'ajouter aux vidéos YouTube de la vidéaste, enrichit la famille des contenus paranormaux qui prolifèrent sur Internet. Du Grand JD à Feldup, en passant par Shera ou Squeezie, iels sont de plus en plus nombreux à investir la niche de l'horreur et du paranormal. Ces contenus répondent à un attrait naturel pour le frisson. En se racontant des histoires paranormales qui nous seraient arrivées ou qui seraient arrivées à des proches, on prend le contrôle de la peur, un sentiment instinctivement incontrôlable, et on le transforme en un jeu.
Ainsi, qu'il s'agisse de raconter des phénomènes paranormaux ou horrifiques, ou de tenter de les vivre face à la caméra, l'idée est avant tout de nous divertir, que l'on croie ou non à ces histoires. Le terme « paranormal » englobe une multitude de domaines, des extraterrestres à la magie, en passant par les fantômes, l'astrologie, le tirage de cartes, les monstres, les animaux fantastiques, etc. Ces éléments, souvent associés à la fiction ou aux arts divinatoires, sont particulièrement populaires sur Internet car ils se prêtent à une diversité de contenus immersifs et fascinants, souvent inexpliqués de manière rationnelle.
Cependant, derrière une apparence purement divertissante et inoffensive, ces contenus peuvent également entraîner des dérives. En effet, le développement de ces vidéos devenues mainstream (atteignant régulièrement des millions de vues) ouvre parfois la porte à l'adhésion à des idéologies dangereuses.
Faut-il mettre un terme à l'émergence de contenus paranormaux sur Internet ?
Ces dernières années, avec la popularisation de ces contenus, on a constaté que les jeunes, principales cibles de ces vidéos mainstream, avaient tendance a mentionner davantage leur intérêt pour les phénomènes paranormaux et les parasciences, tels que l'occultisme, l'astrologie ou la magie noire. À première vue, on pourrait se demander ce qu'il y a de dangereux à croire en ces parasciences et phénomènes, mais ils sont souvent promus par des mouvements sectaires, complotistes et réactionnaires dans un objectif politique. Par exemple, des théories affirmant une intervention divine pour empêcher l'assassinat de Donald Trump ou des méthodes de guérison basées sur les parasciences durant la pandémie de Covid-19 en témoignent.
Des vidéos comme Séparation, maison hantée, occultisme et…Dieu publiées par la YouTubeuse So Andy et visionnées plus de 800 000 fois, diffusent, parfois malgré elles, des idéologies véhiculées par des mouvances prosélytes (ici l'Église évangélique), qui cherchent à propager des idéologies conservatrices. Accordons-lui le bénéfice du doute, mais en racontant son adhésion à l'évangélisme, sa rencontre avec Jésus, ou le fait qu'elle ait assisté a un exorcisme dans une vidéo de 40 minutes, la vidéaste contribue à l'endoctrinement de son jeune public en s'appuyant sur les parasciences. Ces dernières, ne reposant sur aucune base scientifique, peuvent être interprétées librement, sans cadre théorique. Elles peuvent ainsi facilement convaincre des individus vulnérables en quête de réponses. Si je parle d'endoctrinement, c'est parce que plusieurs Églises évangéliques ont déjà été épinglées par la Miviludes pour dérives sectaires.
Que ce soit à travers des vidéos "premier degré" ou du divertissement paranormal et parascientifique, la diffusion de ces concepts permet à certaines mouvances d'élargir leur influence en les réappropriant pour faire adhérer des personnes réceptives à leurs théories. D'un point de vue politique, cela permet notamment aux sphères conservatrices d'utiliser les phénomènes paranormaux comme des miracles ou des signes de Dieu pour inciter à rejeter toute forme de progressisme. Aux Etats-Unis, le mouvement sectaire et complotiste QAnon a largement participé a diffuser l'idée selon laquelle les mouvements progressistes seraient dirigiées par des élites pédosatanistes et que ce qu'ils considèrent comme "la propagande" LGBTQI+ serait en réalité la manifestation de Satan sur Terre. Si ce phénomène reste plutôt marginal en France, il est beaucoup plus présent aux États-Unis, où la religion joue un rôle plus important dans les enjeux politiques et sociaux.
Si je ne pense pas que le paranormal en tant que divertissement soit dangereux, je crois néanmoins qu'il est de la responsabilité des vidéastes d'alerter leur audience sur les dérives potentielles de ce type de croyances. Lorsqu'elles dépassent le cadre du divertissement, ces croyances peuvent entraîner des dérives et l'embrigadement dans des sphères qui exploitent les sensibilités ou les failles des individus pour les faire adhérer à leurs idéologies.
Si ce sujet vous intéresse n'hésitez pas à aller regarder cette vidéo qui rentre davantage dans les détails de la place du paranormal dans notre société.
📰 EN BREF
- Mister V continue de percer au cinéma. Le célèbre personnage McWalter, un agent secret excentrique créé par Mister V, va prendre vie au cinéma. De plus en plus de créateurs et créatrices de contenu investissent le milieu du cinéma ces dernières années. Après avoir été aperçu dans les films Le Manoir, Le Flambeau, Pitaya, All Inclusive, et prochainement dans la série Loup Garou prévue pour le 11 octobre, Mister V, de son vrai nom Yvick Letexier, interprétera le rôle principal de la nouvelle comédie de Simon Astier, avec son personnage McWalter, qui sera diffusée sur Prime Video. Après le succès du docu-série Merci Internet, retraçant le parcours de Squeezie, la plateforme de streaming semble désormais vouloir s'emparer du créneau des créateurs et créatrices de contenu.
- McFly et Carlito rattrapés par la loi Evin. Après plusieurs vidéos de dégustation d'alcool en compagnie de différents invités, le duo de vidéastes a annoncé avoir reçu un rappel à la loi de la part de l'association Addiction France. Malgré la présence de disclaimers au début de leurs vidéos mettant en garde contre la consommation d'alcool, l'association reproche aux vidéastes de véhiculer l'idée que la consommation de boissons alcoolisées est "cool". Bien que ce rappel à la loi ne leur interdise pas formellement de continuer à produire des vidéos de dégustation d'alcool, accompagnées d'explications sur la fabrication des boissons, McFly et Carlito ont annoncé que les vidéos de dégustation d'alcool, c'est terminé !
- Magali Berdah condamnée à six mois de prison ferme pour banqueroute. Magali Berdah, ex-papesse des influenceurs, a été condamnée à 18 mois de prison, dont six mois ferme sous bracelet électronique, pour la gestion de sa société de courtage placée en liquidation judiciaire en 2015, activité qu'elle exerçait avant de se lancer dans le monde de l'influence. Des irrégularités financières, notamment des retraits injustifiés et des dépenses luxueuses, ont été relevées avant la liquidation de l'entreprise. Bien que Magali Berdah ait reconnu des confusions entre ses finances personnelles et celles de son entreprise, et que ses avocats plaident la relaxe, la justice semble également avoir pris en compte la liquidation de ses autres entreprises (avec des passifs de plusieurs centaines de milliers d'euros) pour justifier sa condamnation.
🖥️ EN MANQUE D'INSPI ?
Les assassinats sous l'ère de Vladimir Poutine, Le Roi des Rats
En résumé : Le Roi des Rats est de retour avec une nouvelle vidéo de décryptage sur les opposants politiques sous le règne de Vladimir Poutine. Si le vidéaste s'est fait connaître en réalisant des vidéos sur les dérives du monde des influenceurs, il alterne aussi régulièrement avec des enquêtes sur les comportements des dirigeants de pays autoritaires. Cette fois-ci, il retrace les processus mis en place par Poutine pour éliminer ses opposants politiques, ceux qui dénoncent la corruption des élites et l'autoritarisme du dirigeant russe, ou encore les défecteurs et défectrices qu'il qualifie tous de "traîtres à la patrie". En revenant sur les cas les plus marquants, notamment ceux de Skripal et de Navalny, parmi les plus récents, il décortique les mécanismes secrets utilisés pour éliminer les "traîtres". Des procédés ingénieux, souvent basés sur l'empoisonnement des cibles, dont seule la Russie détient le secret.
⭐À NE PAS MANQUER
CAP48 est de retour
Ce week-end, le Téléthon belge organisé par la RTBF (le média public belge) est de retour ! Si une soirée d'événements sera diffusée à la télévision, la branche gaming du média, RTBF IXPE, se joint également à l'événement pour un marathon caritatif qui se déroule tout le week-end. Cette année, plus de 30 streamers et streameuses ont été conviés pour récolter un maximum de dons au profit de l'action de solidarité Cap48, qui vient en aide aux jeunes en difficulté et aux personnes en situation de handicap.
L'année dernière, les 42 streamers et streameuses avaient réuni à eux seuls plus de 80 000 euros pour 580 heures de streaming.
💜LA RECO DE LA SEMAINE
La créatrice de la semaine est Fashion Quiche !
Amélie Zimmermann, alias FashionQuiche, est une créatrice de contenu spécialisée dans la mode. Dans ses contenus, elle mêle son intérêt pour la mode à ses réflexions sur le monde. Grâce à ses vidéos, Amélie nous permet de mieux comprendre l'importance de la mode au-delà de son aspect esthétique. En proposant des analyses politiques et sociales qui vont du look de SCH aux œuvres de Bourdieu, en passant par le Met Gala ou les partisans de l'extrême droite, ses vidéos mettent en lumière les enjeux et le rôle de la mode dans notre société.
Amélie ne souhaite pas en rester là ! La jeune femme à le projet de produire et d'auto-publier d'ici la fin de l'année des récits fashions qu'elle illustrera elle-même.
Voilà, c'est tout pour cette semaine ! Si vous avez relevé des coquilles ou des erreurs, n'hésitez pas à me les signaler par mail artoisecontact@protonmail.me
Mon mail est également ouvert pour toutes recommandation d'événement ou de créatrice de contenu à mettre en avant.
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